L intervention de l'homme pour façonner la matière n'a pas été bénéfique en toutes circonstances. Il y a eu souvent une sorte d'esclavage du règne minéral contraint de suivre la pensée humaine, même viciée. La pierre est ainsi devenue esclave des ambitions des bâtisseurs ou de leurs commanditaires : au début, tout est harmonie, intelligence mutuelle, puis une trop grande témérité conduit à la catastrophe. L'auteur remonte la cascade des siècles pour en donner des exemples. Erreur répétée, celle de la juxtaposition, sous un même fardeau et côte à côte, de deux architectures de sensibilités différentes : elle a été fatale aussi bien au pharaon Chéops qu'aux bâtisseurs de campaniles ou à Soufflot, l'architecte du Panthéon français. L'esprit de grandeur et l'orgueil inexpiable des Beauvaisiens éclatent dans l'édification de la tour-lanterne de leur église Saint-Pierre, qui se voulait plus haute que la Grande Pyramide mais qui se solda, finalement, par l'écroulement d'une montagne de pierres. Que dire du rêve d'éternité du pharaon Ramsès II, qui voulait encore être le premier au-delà de la vie ? Il advint que, énorme ignorance de la connaissance du terrain qu'il avait choisi pour sa dernière demeure, sa tombe fut secouée par une sorte de danse macabre et devint bientôt la bouche d'égout de la vallée des Rois. Jean Kerisel, l'auteur de ce livre, est connu de nos lecteurs par les nombreux ouvrages à caractère technique ou historique qu'il a publiés. Familier des égyptologues de profession, il a déploré, en maintes circonstances, leur ignorance de certains aspects techniques et, parfois même, leur mépris pour les spécialistes des sciences exactes et des sciences de la terre : géologues, hydrologues, etc. La conclusion de son livre est en définitive optimiste. " L'esprit qui meut la matière " est aujourd'hui plus intelligent et nous connaissons mieux celle-ci. Nous savons dorénavant éviter les catastrophes rappelées dans le livre : il n'y aura plus d'écroulement subit de campaniles. Nous saurons combattre les penchants dangereux des tours et élever sans danger les dômes les plus lourds.